Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/283

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vous reposeriez mal ici ; ce serait une inquiétude de plus pour moi, et je n’en serais peut-être que plus malade. Vous demeurez ici près ; j’aurai la consolation de vous voir autant que vous le voudrez, et une garde me suffira.

J’insistai vivement. Je ne pouvais consentir à la laisser dans ce triste et misérable gîte, mais elle ne voulut pas m’écouter. Mme Darcire entra dans son sentiment, et il fut arrêté, malgré moi, que je me contenterais de venir chez elle, en attendant qu’on pût la transporter ailleurs. Aussi dès que j’étais levée, je me rendais dans sa chambre, et n’en sortais que le soir. J’y dînais même le plus souvent, et fort mal ; mais je la voyais, et j’étais contente.

Sa paralysie m’aurait extrêmement affligée si on ne nous avait pas fait espérer qu’elle en guérirait ; cependant on se trompa.

Le lendemain de notre reconnaissance, elle me conta son histoire.

Il n’y avait pas, en effet, plus de dix-huit ou dix-neuf mois que le marquis son mari était mort, accablé d’infirmités. Elle avait été fort heureuse avec lui, et leur union n’avait pas été altérée un instant, pendant près de vingt ans qu’ils avaient vécu ensemble.

Ce fils qu’il avait eu d’elle, cet objet de tant d’amour, qui était bien fait, mais dont elle avait négligé de régler le cœur et l’esprit, et que, par un excès de faiblesse et de complaisance, elle avait laissé s’imbiber de tout ce que les préjugés de l’orgueil et de la vanité ont de plus sot et de plus méprisable ; ce fils