Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/292

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je démêlai, à sa contenance paresseuse et hautaine, toutes ces petites fiertés qu’elle avait dans l’esprit. Notre orgueil nous met si vite au fait de celui des autres, et en général les finesses de l’orgueil sont toujours si grossières ! Et puis j’étais déjà instruite du sien, on m’avait prévenu contre elle.

Joignez encore à cela une chose qui n’est pas si indifférente en pareil cas, c’est que j’étais, à ce qu’on disait alors, d’une figure assez distinguée ; je me tenais bien, et il n’y avait personne qui, à ma façon de me présenter, dût se faire une peine de m’avouer pour parente ou pour alliée.

Madame, lui dis-je, je juge, par l’étonnement où vous êtes, qu’on vous a mal dit mon nom, qui ne saurait vous être inconnu : je m’appelle Tervire.

Elle continuait toujours de me regarder sans me répondre ; je ne doutai pas que ce ne fût encore une hauteur de sa part. Et je suis la sœur de M. le marquis, ajoutai-je tout de suite. Je suis bien fâchée, mademoiselle, qu’il ne soit pas ici, me repartit-elle en nous faisant asseoir ; il n’y sera que dans deux jours.

On me l’a dit, madame, repris-je ; mais ma visite n’est pas pour lui seul, et je venais aussi pour avoir l’honneur de vous voir (ce ne fut pas sans beaucoup de répugnance que je finis ma réponse par ce compliment-là ; mais il faut être honnête pour soi, quoique souvent ceux à qui l’on parle ne méritent pas qu’on le soit pour eux). Et d’ailleurs, ajoutai-je sans m’interrompre, il s’agit d’une affaire extrêmement