Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/385

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ma vie, et si j’y mêle autre chose, c’est que cela se présentera sans que je le cherche.

J’ai dit que c’était mon frère aîné qui conduisait chez nos maîtres le vin de la terre dont mon père avait soin.

Or, son mariage le fixant à Paris, je lui succédai dans son emploi de conducteur de vin.

J’avais alors dix-huit à dix-neuf ans ; on disait que j’étais beau garçon, beau comme peut l’être un paysan dont le visage est à la merci du hâle de l’air et du travail des champs. Mais à cela près j’avais effectivement assez bonne mine ; ajoutez-y je ne sais quoi de franc dans ma physionomie ; l’œil vif, qui annonçait un peu d’esprit, et qui ne mentait pas totalement.

L’année d’après le mariage de mon frère, j’arrivai donc à Paris avec ma voiture et ma bonne façon rustique.

Je fus ravi de me trouver dans cette grande ville ; tout ce que j’y voyais m’étonnait moins qu’il ne me divertissait ; ce qu’on appelle le grand monde me paraissait plaisant.

Je fus fort bien venu dans la maison de notre seigneur. Les domestiques m’affectionnèrent tout d’un coup ; je disais hardiment mon sentiment sur tout ce qui s’offrait à mes yeux ; et ce sentiment avait assez souvent un bon sens villageois qui faisait qu’on aimait à m’interroger.

Il n’était question que de Jacob pendant les cinq