Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/389

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hui, vous vous en amusez comme d’un paysan ; mais ce paysan deviendra dangereux, je vous en avertis.

Oh ! répliquai-je, madame, il n’y a que faire d’attendre après cela ; je ne deviendrai point, je suis tout devenu ; ces demoiselles sont bien jolies, et cela forme bien un homme ; il n’y a point de village qui tienne ; on est tout d’un coup né natif de Paris, quand on les voit.

Comment ! dit-elle, te voilà déjà galant ; et pour laquelle te déclarerais-tu ? (elles étaient trois). Javotte est une jolie blonde, ajouta-t-elle. Et Mlle Geneviève une jolie brune, m’écriai-je tout de suite.

Geneviève, à ce discours, rougit un peu, mais d’une rougeur qui venait d’une vanité contente, et elle déguisa la petite satisfaction que lui donnait ma préférence d’un souris qui signifiait pourtant : Je te remercie ; mais qui signifiait aussi : Ce n’est que sa naïveté bouffonne qui me fait rire.

Ce qui est de sûr, c’est que le trait porta ; et comme on le verra dans la suite, ma saillie lui fit dans le cœur une blessure sourde dont je ne négligeai pas de m’assurer ; car je me doutai que mon discours n’avait pas dû lui déplaire, et dès ce moment-là, je l’épiai pour voir si je pensais juste.

Nous allions continuer la conversation, qui commençait à tomber sur la troisième femme de chambre de madame, qui n’était ni brune ni blonde, qui n’était d’aucune couleur, et qui portait un de