Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/410

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Et quel établissement ? Une maison toute meublée, beaucoup d’argent comptant, de bonnes commissions dont je pouvais demander d’être pourvu sur-le-champ, enfin la protection d’un homme puissant, et en état de me mettre à mon aise dès le premier jour, et de m’enrichir ensuite.

N’était-ce pas là la pomme d’Adam toute revenue pour moi ?

Je savourais la proposition : cette fortune subite mettait mes esprits en mouvement ; le cœur m’en battait, le feu m’en montait au visage.

N’avoir qu’à tendre la main pour être heureux, quelle séduisante commodité ! N’était-ce pas là de quoi m’étourdir sur l’honneur ?

D’un autre côté, cet honneur plaidait sa cause dans mon âme embarrassée, pendant que ma cupidité y plaidait la sienne. À qui est-ce des deux que je donnerai gagné ? disais-je ; je ne savais auquel entendre.

L’honneur me disait : Tiens-toi ferme ; déteste ces misérables avantages qu’on te propose ; ils perdront tous leurs charmes quand tu auras épousé Geneviève ; le ressouvenir de sa faute te la rendra insupportable, et puisque tu me portes dans ton sein, tout paysan que tu es, je serai ton tyran, je te persécuterai toute ta vie, tu verras ton infamie connue de tout le monde, tu auras ta maison en horreur, et vous ferez tous deux, ta femme et toi, un ménage du diable, tout ira en désarroi ; son amant la vengera de tes mépris, elle pourra te perdre avec le crédit qu’il a. Tu ne seras pas le premier à qui cela sera arrivé, rêves-y