Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/477

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Pour ce qui est de la profession, mon père est le vigneron et le fermier du seigneur de notre village. Mais je dis mal, je ne sais plus ce qu’il est, il n’y a plus ni vignes ni ferme ; car notre seigneur est mort, et c’est de son logis de Paris que je sors. Pour ce qui est de mes autres parents, ce n’est pas du fretin non plus, on les appelle monsieur et madame. Hors une tante que j’ai, qui ne s’appelle que mademoiselle, faute d’avoir été mariée au chirurgien de notre pays qui ne put achever la noce à cause qu’il mourut ; et par dépit de cette mort, ma tante s’est mise à être maîtresse d’école de notre village ; on la salue, il faut voir ! Outre cela, j’ai deux oncles dont l’un est curé, qui a toujours de bon vin chez lui, et l’autre a pensé l’être plus de trois fois ; mais il va toujours son train de vicaire en attendant mieux. Le tabellion de chez nous est aussi notre cousin pour le moins, et même on dit par le pays, que nous avons eu une grande mère qui était la fille d’un gentilhomme : il est vrai, pour n’en point mentir, que c’était du côté gauche ; mais le côté droit n’en est pas loin ; on arrive en ce monde du côté qu’on peut, et c’est toujours de la noblesse à gauche. Au reste, ce sont tous de braves gens ; et voilà au juste tout le compte de la parenté, sinon que j’oublie un petit marmot de cousin qui ne fait encore rien que d’être au maillot.

Eh bien ! reprit Mlle Habert, on peut appeler cela une bonne famille de campagne, et il y a bien des gens qui font figure dans le monde, et qui n’ont pas une si honnête origine. Nous autres, par