Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/482

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temps qu’il était garçon, et puis venait à leurs amours, disait ce qu’ils avaient duré, passait de là à leur mariage, ensuite au récit de la vie qu’ils avaient mené ensemble ; c’était le meilleur homme du monde ! très appliqué à son étude ; aussi avait-il gagné du bien par sa sagesse et par son économie : un peu jaloux de son naturel, et aussi parce qu’il l’aimait beaucoup ; sujet à la gravelle ; Dieu sait ce qu’il avait souffert ! les soins qu’elle avait eus de lui ! Enfin, il était mort bien chrétiennement. Ce qui se disait en s’essuyant les yeux qui en effet larmoyaient, à cause que la tristesse du récit le voulait, et non pas à cause de la chose même ; car de là on allait à un accident de ménage qui demandait d’être dit en riant, et on riait.

Pour faire ce portrait-là, au reste, il ne m’en a coûté que de me ressouvenir de tous les discours que nous tint cette bonne veuve, qui après que nous eûmes vu l’appartement en question, et en attendant que nous convinssions du prix sur lequel il y avait dispute, nous fit entrer dans une chambre où était sa fille ; nous fit asseoir amicalement, se mit devant nous, et là nous accabla, si cela se peut dire, de ce déluge de confiance et de récits que je vous rapporte ici.

Son babil m’ennuya beaucoup, moi, mais il n’empêcha pas que son caractère ne me plût, parce qu’on sentait qu’elle ne jasait tant, que par ce qu’elle avait l’innocente faiblesse d’aimer à parler, et comme qui dirait une bonté de cœur babillarde.

Elle nous offrit la collation ; la fit venir, quoique nous la refusassions, nous fit manger sans que nous