Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/49

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Eh ! mais, reprit-il, ne le devinez-vous pas ? Eh ! ce mariage qu’elles retardent, vous jugez bien que je serais charmé qu’on pût le conclure ; j’ai eu même quelque envie de proposer à ma mère de le terminer toujours en attendant la charge. Mais j’ai cru qu’il valait mieux s’en tenir à ce qu’elle a décidé là-dessus, et ne la pas trop presser ; n’est-il pas vrai ?

Ah ! il n’y a rien à craindre de sa part, lui répondis-je ; ce ne sera jamais par elle que ce mariage manquera.

Non, certes, dit-il, ni par moi non plus ; je crois que vous en êtes bien persuadée ; mais cela n’empêche pas que ce retardement ne m’impatiente, et je souhaiterais bien que ma mère eût été d’avis de ne pas remettre ; elle. n’a pas consulté mon amour.

Je crus devoir alors saisir cet instant pour m’expliquer. Eh ! de quel amour parlez-vous donc, monsieur ? repris-je, seulement pour entamer la matière.

Duquel ? me dit-il ; eh ! mais, du mien, mademoiselle, de mes sentiments pour vous. Vous est-il nouveau que je vous aime ? et vous en prenez-vous à moi des obstacles qui arrêtent une union que je désire encore plus que vous ?

Pour toute réponse, je tirai sur-le-champ un papier de ma poche, et le lui donnai : c’était la lettre qu’il avait écrite à Mlle Varthon, et qui m’était restée, vous le savez.

Comme je la lui présentai ouverte, il la reconnut d’abord. Jugez dans quelle confusion il tomba ; cela n’est point exprimable ; il eût fait pitié à toute autre qu’à moi ; il essaya cependant de se remettre.