Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/500

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parliez à une coupable si tranquille, que sa faute ne vous paraissait plus rien.

Ce ne fut pas sur-le-champ que je démêlai tout ce caractère que je développe ici, je ne le sentis qu’à force de voir Agathe.

Il est certain qu’elle me trouva à son gré aussi bien que sa mère à qui je plus beaucoup, et qui était une bonne femme dont on pouvait mener le cœur bien loin ; ainsi, des deux côtés, je voyais une assez belle carrière ouverte à mes galanteries, si j’en avais voulu tenter le succès.

Mais Mlle Habert était plus sûre que tout cela ; elle ne répondait de ses actions à personne, et ses desseins, s’ils m’étaient favorables, n’étaient sujets à aucune contradiction. D’ailleurs je lui devais de la reconnaissance, et c’était là une dette que j’ai toujours bien payée à tout le monde.

Ainsi, malgré la faveur que j’acquis dès ce jour dans la maison, malgré toutes les apparences qu’il y avait que je serais en état de me faire valoir, je résolus de m’en tenir au cœur le plus prêt et le plus maître de se déterminer.

Il était minuit quand nous sortîmes de table ; on conduisit Mlle Habert à sa chambre, et dans l’espace du peu de chemin qu’il fallait faire pour cela, Agathe trouva plus de dix fois le moment de jouer de la prunelle sur moi, d’une manière très flatteuse, et toujours sournoise ; à quoi je ne pus m’empêcher de répondre à mon tour, et le tout si rapidement