Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/517

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

importuns, la voilà qui revient à nous en fermant portes et verrous ; de sorte que par respect pour la confidence qu’on devait lui faire, elle débuta par avertir toute la maison qu’on devait lui en faire une ; son zèle et sa bonté n’en savaient pas davantage ; et c’est assez là le caractère des meilleures gens du monde. Les âmes excessivement bonnes sont volontiers imprudentes par excès de bonté même, et d’un autre côté, les âmes prudentes sont assez rarement bonnes.

Eh ! madame, lui dit Mlle Habert, vous ne deviez point dire à votre cuisinière que nous avions à nous entretenir en secret ; je ne voulais point qu’on sût que j’ai quelque chose à vous confier.

Oh ! n’importe, dit-elle, ne vous embarrassez pas. Si je n’avais pas averti, on serait venu nous troubler ; et n’y eût-il que ma fille, la précaution était nécessaire. Allons, mademoiselle, voyons de quoi il s’agit ; je vous défie de trouver quelqu’un qui vous veuille tant de bien que moi, sans compter que je suis la confidente de tous ceux qui me connaissent : quand on m’a dit un secret, tenez, j’ai la bouche cousue, j’ai perdu la parole. Hier encore, madame une telle, qui a un mari qui lui mange tout, m’apporta mille francs qu’elle me pria de lui cacher, et qu’il lui mangerait aussi s’il le savait ; mais je les lui garde. Ah çà ! dites.

Toutes ces preuves de la discrétion de notre bonne hôtesse n’encourageaient point Mlle Habert : mais après lui avoir promis un secret, il était peut-