Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/61

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vous y en avez tant encore, vous voulez que Marianne vous appelle sa mère, vous lui faites l’honneur de l’appeler votre fille, vous la traitez comme si elle l’était ; cela n’est-il pas admirable ? Y a-t-il jamais eu rien d’égal à ce que vous faites ? Et n’est-ce pas là une misère assez honorée ? Faut-il encore porter la charité jusqu’à me marier à votre fils, et cette misère est-elle une dot ? Non, ma chère mère, non. Votre cœur peut, tant qu’il voudra, me donner la qualité de votre fille, c’est un présent que je puis recevoir de lui sans que personne y trouve à redire ; mais je ne dois pas le recevoir par les lois, je ne suis point faite pour cela. Il est vrai que je m’étais rendue à vos bontés ; je croyais tout surmonté, tout paisible ; l’excès de mon bonheur m’empêchait de penser, m’avait ôté tous mes scrupules. Mais il n’y a plus moyen, c’est tout le monde qui crie, qui se soulève, et je vous parle d’après tous les discours qu’on tient à M. de Valville, d’après les persécutions et les railleries qu’il essuie et qu’il trouve partout, de quelque côté qu’il aille. Quoiqu’il me le cache et qu’il n’ose vous le dire, elles l’étonnent, il en est effrayé lui-même, il a raison de l’être ; et quand il ne s’en soucierait pas, ce serait à moi à m’en soucier pour lui, et même pour moi. Car enfin vous m’aimez, votre intention est que je sois heureuse, et ce serait moi cependant qui trahirais les desseins de votre tendresse, des desseins que je dois tant respecter, qui méritent si bien de réussir, je les trahirais en consentant d’épouser monsieur. Comment serais-je heureuse s’il ne l’était pas lui-