Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/66

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Et en effet, cette dernière alla donner ses ordres, et un instant après nous partîmes.

Jamais peut-être quatre personnes ensemble n’ont été plus sérieuses et plus taciturnes que nous le fûmes ; et quoique le trajet de chez ma mère au couvent fût assez long, à peine fut-il prononcé quatre mots pendant qu’il dura ; et il est vrai que les circonstances où nous étions, Mlle Varthon et moi, ne donnaient pas matière à une conversation bien animée ; il n’y eut de vif que les regards de Mme de Miran sur moi, et que les miens sur elle.

Enfin nous arrivâmes ; ma rivale descendit la première ; nous la suivîmes, Mme de Miran et moi ; et Mme Dorsin, qui m’embrassa la larme à l’œil, qui m’accabla de caresses et d’assurances d’amitié, resta dans le carrosse.

Mlle Varthon, à qui il tardait d’être débarrassée de nous, sonna, et fit un remercîment aussi froid que poli à ma mère ; la porte s’ouvrit, et elle nous quitta.

Je me jetai alors entre les bras de Mme de Miran, où je restai quelques instants sans force et sans parole.

Cache tes pleurs, me dit-elle tout bas ; j’ai de la peine à retenir les miennes. Adieu ; songe que tu es pour jamais ma fille, et que je te porte dans mon cœur. Je te viendrai voir demain : discours qu’elle me tint de l’air du monde le plus abattu. Après quoi, je rentrai moi-même ; et, pour vous rendre un compte bien exact de la disposition d’esprit où j’étais, je vous dirai que je rentrai plus attendrie qu’affligée.