Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/92

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paysan ; la voilà, c’est ma femme ; mais elle est, comme vous voyez, au lit avec une grosse fièvre, qui l’a empêchée de nourrir l’enfant depuis hier au soir que nous lui avons cherché une nourrice, et voici même mon fils qui a été de grand matin avertir le père et la mère d’en amener une ; cependant personne ne vient, la petite fille est fort mal, et je tâche, en attendant, de la soutenir le mieux que je puis ; mais il n’y aura pas moyen de la sauver, si on la laisse languir plus longtemps.

Vous avez raison, le danger est pressant, dit M. de Tervire ; est-ce qu’il n’y aurait point de femme aux environs qu’on puisse faire venir ? Elle me fait une vraie pitié. Elle vous en ferait encore bien davantage, si vous saviez qui elle est, monsieur, lui dit de son lit ma nourrice. Eh ! à qui appartient-elle donc ? lui répondit-il avec quelque surprise. Hélas ! monsieur, reprit le paysan, je n’ai pas osé vous l’apprendre d’abord, de peur de vous fâcher ; car je sais bien que ce n’est pas de votre gré que votre fils s’est marié ; mais puisque ma femme s’est tant avancée, il vaut autant vous dire que c’est la fille de M. de Tervire.

Le père, à ce discours, fut un instant sans répondre, et puis en me regardant d’un air pensif et attendri : La pauvre enfant dit-il, ce n’est pas elle qui a tort avec moi. Et aussitôt il appela un de ses gens : Hâtez-vous, lui dit-il, de retourner au château ; je me ressouviens que la femme de mon jardinier perdit avant-hier son fils qui n’avait que cinq mois, et qu’elle le nourrissait ; dites-lui de ma part qu’elle vienne sur-le-