Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/98

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m’avait vue les délices de sa fille, et qui m’aimait en véritable grande mère, vint un jour pour dîner avec M. le marquis de…, son gendre, et il y avait deux mois qu’elle n’était venue.

Quand elle arriva, j’étais à l’entrée de la cour du château, assise à terre, où l’on m’avait mise en fort mauvais ordre.

Au linge que je portais, à ma chaussure, au reste de mes vêtements délabrés et peut-être changés, il était difficile de me reconnaître pour la fille de la marquise.

Aussi Mme de Tresle ne jeta-t-elle qu’un regard indifférent sur moi ; et voyant à quelques pas de là une autre petite fille mieux habillée et plus soignée, qu’on avait assise dans une de ces chaises basses qui servent aux enfants : C’est donc là Mlle de Tervire ? dit-elle à une servante de la concierge qui était près de nous. Non, madame, lui répondit cette fille ; la voilà qui se porte bien, ajouta-t-elle en me montrant.

Et en effet, toute mal arrangée que j’étais, avec un bonnet déchiré et des cheveux épars, j’avais l’air du monde le plus frais et le plus sain ; mais aussi je n’étais parée que de ma santé, elle faisait toutes mes grâces.

Quoi ! c’est là ma fille ? c’est dans cet état-là qu’on la laisse ? s’écria Mme de Tresle avec une tendresse indignée de l’abandon où elle me voyait. Allons, venez, qu’on me suive tout à l’heure ; prenez cette enfant dans vos bras, et montez avec moi au château.