Page:Marivaux - La Vie de Marianne.pdf/11

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.



NOTICE SUR MARIVAUX


Il n’est pas aussi facile qu’on le pense d’apprécier en quelques pages l’esprit d’un homme qui a eu, de son temps, plus d’esprit que Voltaire ; ce qui était en trop avoir. Toutes les fois qu’il s’agira d’un habile écrivain de génie bien posé dans son art, et qui marche à grands pas dans la voie qu’il s’est tracée, le rôle de la critique sera simple et facile : elle n’aura qu’à suivre dans son sentier lumineux le chef d’école qu’elle s’est chargée d’expliquer au lecteur. Mais un écrivain qui fait bande à part, qui écrit comme personne après lui n’aura le droit d’écrire ; un de ces ingénieux railleurs qui, après avoir traversé les élégances, les causeries, les molles passions, l’oisiveté dédaigneuse du beau monde, finissent par vivre seuls dans un petit univers en deçà du connu, dont ils se sont faits à la fois les historiens et les poètes ; mais ce mélange incroyable d’idées grandes et communes, de doute et de croyance, d’abnégation et d’égoïsme, de solitude et de popularité, de petits mots charmants et de périodes bien sonnantes, dont se com-