Page:Marivaux - La Vie de Marianne.pdf/354

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précisément parlé pour me nuire, mais seulement pour avoir le plaisir d’être indiscrète, et de révéler une chose qui surprendrait.

Elle nous conta aussi que M. Villot était au désespoir de ce qu’il ne serait point à moi : Je l’ai laissé qui pleurait comme un enfant, nous dit-elle. Sur quoi je jetai les yeux sur Valville, pour qui il me parut que le récit de l’affliction de M. Villot n’était pas fort amusant : aussi n’y répondîmes-nous rien, ma mère et moi, et laissâmes-nous tomber ce petit article, d’autant plus que nous étions arrivés à la porte du couvent, où je descendis avec cette femme.

Il est inutile que je paraisse, me dit ma mère, et je crois même qu’il suffirait que mademoiselle allât redemander vos hardes, sans parler de nous et sans dire que nous sommes ici.

Permettez-moi de me montrer aussi, lui dis-je ; les bontés que l’abbesse a eues pour moi exigent que je la remercie ; je ne saurais m’en dispenser sans ingratitude. Ah ! tu as raison, ma fille, et je ne savais pas cela, me repartit-elle ; va, mais hâte-toi, et dis-lui que je t’attends, que je suis fatiguée, et qu’il m’est impossible de descendre ; fais-le plus vite que tu pourras ; il vaut mieux que tu la reviennes voir.

Abrégeons donc ; je parus, on me rendit mon coffre ou ma cassette, lequel des deux il vous plaira. Toutes les religieuses que j’avais vues vinrent se réjouir avec moi du succès de mon aventure ; l’abbesse me donna les témoignages d’affection les plus sincères : elle aurait souhaité que j’eusse passé le reste de la soirée avec elle ; mais il n’y avait pas moyen. Ma mère est à la porte de votre maison dans son carrosse ; elle vous aurait vue, lui dis-je, mais elle est indisposée ; elle vous fait ses excuses, et il faut que je vous quitte.

Quoi ! s’écria-t-elle, cette mère si tendre, cette dame que j’estime tant, est ici ! Mon Dieu que j’aurais de plaisir à la voir et à lui dire du bien de vous ! Allez mademoiselle, retournez-vous-en, mais tâchez de la déterminer à venir un instant ; si je pouvais sortir, je courrais à elle ; et supposons