Page:Marivaux - La Vie de Marianne.pdf/427

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confier mes dispositions à son égard. Je pleurai dans mon récit, elle pleura à son tour ; ce qu’elle me témoigna de tendre est au-dessus de toute expression, et ce que j’en sentis pour elle fut de même.

De nouvelles de Valville, elle n’avait point à m’en dire ; il ne s’était point montré depuis l’instant qu’il nous avait quittées. Il était cependant revenu au logis, mais très tard ; et ce matin même, il en était parti ou pour la campagne, ou pour Versailles.

C’est moi qu’il fuit sans doute, ajouta-t-elle ; je suis persuadée qu’il a honte de paraître devant moi.

Et là-dessus elle se levait pour s’en aller, lorsque mademoiselle Varthon, que nous n’attendions ni l’une ni l’autre, entra subitement.

J’avais dessein de vous écrire, madame, dit-elle à ma mère après l’avoir saluée ; mais puisque vous êtes ici, et que je puis avoir l’honneur de vous parler, il vaut mieux vous épargner ma lettre, et vous dire moi-même ce dont il s’agit. Il n’est question que de deux mots M. de Valville a changé ; vous croyez que j’en suis cause, j’ai lieu de le croire aussi ; mais comment le suis-je ? C’est ce qu’il est essentiel que vous sachiez, et que tout le monde sache. Madame, il ne me conviendrait pas qu’on s’y trompât, et je vais vous rapporter tout dans la plus exacte vérité. M. de Valville, pour la première fois de sa vie, me vit ici le jour où je m’évanouis en faisant mes adieux à ma mère ; vous eûtes la bonté de me secourir, il vous aida lui-même, et j’entrai dans le couvent avec mademoiselle, que je venais de connaître, qui devint mon amie, mais qui ne me parla ni de vous ni de M. de Valville, ni ne m’apprit en quels termes elle en était avec lui.

Je le sais, mademoiselle, dit alors madame de Miran en l’interrompant ; Marianne vient de m’instruire, et vous a rendu toute la justice que vous pouvez exiger là-dessus. Mon fils vint vous voir, vous fit des compliments de ma part, vous laissa une lettre en vous quittant, et vous fit accroire que je l’avais chargé de vous la remettre : vous ne