Page:Marivaux - La Vie de Marianne.pdf/559

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nous étions si près de la rue Saint-Louis ; elle y consentit, et la première maison à laquelle nous nous arrêtâmes pour demander celle du marquis de Viry, était attenant la sienne. C’est la porte d’après, nous dit-on ; et un des gens de madame Darcire y frappa sur-le-champ.

Personne ne venait, on redoubla ; et après un intervalle de temps assez considérable, parut un vieux domestique à longs cheveux blancs, qui, sans attendre qu’on lui fît de question, nous dit d’abord que M. de Viry était à Versailles avec madame.

Ce n’est pas lui à qui nous en voulons, lui répondis-je ; c’est madame Darneuil. Ah ! madame Darneuil, elle ne loge pas ici, reprit-il ; mais n’êtes-vous pas des dames nouvellement arrivées de province ? Depuis dix ou douze jours, lui dîmes-nous. Eh bien ! ayez la bonté d’attendre un instant, repartit-il ; je vais vous faire parler à une des femmes de madame, qui m’a bien recommandé de l’avertir quand vous viendriez. Et là-dessus il nous quitta pour aller lentement chercher cette femme, qui descendit et qui vint nous parler à la portière de notre carrosse. Pouvez-vous, lui dis-je, nous apprendre où est madame Darneuil ? Nous avons cru la trouver ici.

Non, mesdames, elle n’y demeure pas, répondit-elle ; mais n’est-ce pas vous, mademoiselle, avec qui elle arriva à Paris ces jours passés, et qui lui prêtâtes de l’argent ? ajouta-t-elle en m’adressant la parole. Oui, c’est moi-même qui la forçai d’en prendre, lui dis-je, et j’aurais été charmée de le revoir. Où est-elle ? Dans le faubourg Saint-Germain, me dit cette femme (et c’était précisément notre quartier) ; j’ai même été avant-hier chez elle ; mais je ne me souviens plus du nom de sa rue, et elle m’a chargée dans l’absence de M. le marquis et de madame, de m’informer où vous logez, si on venait de votre part, et de remettre en même temps ces deux louis d’or que voici.

Je les pris : Tâchez, lui dis-je, de la voir demain ; retenez bien, je vous prie, où elle demeure, et vous me le ferez