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sur ma parole ; je lui soutiens qu’il a tort ; il sait bien qu’il ne nous aime point.

M. Orgon.

Il assure le contraire.

Lisette.

Eh ! où est-il donc, cet amour qu’il a ? Nous avons regardé dans ses yeux, il n’y a rien ; dans ses paroles, elles ne disent mot ; dans le son de sa voix, rien ne marque ; dans ses procédés, rien ne sort ; de mouvements de cœur, il n’en perce aucun. Notre vanité, qui a des yeux de lynx, a fureté partout ; et puis monsieur viendra dire qu’il a de l’amour, à nous qui devinons qu’on nous aimera avant qu’on nous aime, qui avons des nouvelles du cœur d’un amant avant qu’il en ait lui-même ! Il nous fait là de beaux contes, avec son amour imperceptible !

M. Orgon.

Il y a là-dedans quelque chose que je ne comprends pas. N’est-ce pas là son valet ? Apparemment qu’il te cherche.



Scène II

ORGON, LISETTE, FRONTIN.
M. Orgon, à Frontin qui se retire.

Approche, approche ; pourquoi t’enfuis-tu ?

Frontin.

Monsieur, c’est que nous ne sommes pas extrêmement camarades.