Page:Marivaux - Théâtre, vol. II.djvu/36

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je m’y perds. Je vois des cruautés dans vos enfants qu’on ne devinerait pas à la douceur de votre visage.

(Lisette hausse les épaules.)
M. Orgon.

Que veux-tu dire avec tes cruautés ? De qui parles-tu ?

Frontin.

De mon maître, et des peines secrètes qu’il souffre de la part de mademoiselle votre fille.

Lisette.

Cet effronté qui vous fait un roman ! Qu’a-t-on fait à ton maître, dis ? Où sont les chagrins qu’on a eu le temps de lui donner ? Que nous a-t-il dit jusqu’ici ? Que voit-on de lui que des révérences ? Est-ce en fuyant que l’on dit qu’on aime ? Quand on a de l’amour pour une sœur aînée, est-ce à sa sœur cadette à qui on va le dire ?

Frontin.

Ne trouvez-vous pas cette fille-là bien revêche, monsieur ?

M. Orgon.

Tais-toi, en voilà assez ; tout ce que j’entends me fait juger qu’il n’y a peut-être que du malentendu dans cette affaire-ci. Quant à ma fille, dites-lui, Lisette, que je serais très fâché d’avoir à me plaindre d’elle ; c’est sur sa parole que j’ai fait venir Damis et son père ; depuis qu’elle a vu le fils, il ne lui déplaît pas, à ce qu’elle dit ; cependant ils se fuient, et je veux savoir qui des deux a tort ; car il faut que cela finisse.

(Il s’en va.)