Page:Marivaux - Théâtre, vol. II.djvu/67

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M. Ergaste.

Va, va, il saura bien que c’est de Phénice qu’on parle.

Frontin, en s’en allant.

Je n’y manquerai pas, monsieur.

M. Ergaste.

Où vas-tu ?

Frontin.

Faire ma commission.

M. Ergaste.

Tu es bien pressé, ce n’est pas là tout.

Frontin.

Allons, monsieur, tant qu’il vous plaira ; ne m’épargnez point.

M. Ergaste.

Dis-lui qu’il remercie M. Orgon de la bonté qu’il a de n’être pas fâché dans cette occasion-ci ; car si Damis n’épouse pas Lucile, je gagerais bien que c’est à lui à qui il faut s’en prendre. Dis-lui que je lui pardonne, en faveur de ce nouveau mariage, le chagrin qu’il a risqué de me donner ; mais que s’il me trompait encore ; si, après les empressements qu’il a marqués pour Phénice, il hésitait à l’épouser ; s’il faisait encore cette injure à M. Orgon, je ne veux le voir de ma vie, et que je le déshérite ; je ne lui parlerai pas même que je ne sois content de lui.

Frontin, riant.

Eh ! eh ! eh !… je remarque que ce n’est qu’en baissant le ton que vous prononcez le terrible mot de déshériter ; vous en êtes effrayé vous-même ; la tendresse paternelle est admirable !