Page:Marmier - Les Perce-Neige, 1854.djvu/17

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proie à une fièvre violente, et pendant deux semaines elle fut aux portes du tombeau.

On ne savait rien de sa fuite nocturne. Les lettres quelle écrivit avant de partir, elle les avait brûlées. Sa femme de chambre, redoutant la colère de Gabriel, n’avait garde de raconter ce qui s’était passé. Le prêtre et les témoins avaient également de bonnes raisons pour se taire, et le cocher ne dit pas le moindre mot de cette aventure, même après avoir bu. Enfin le secret de cette romanesque évasion fut fidèlement gardé par une demi-douzaine de complices. Marie seule le trahit dans ses heures de délire. Un jour sa mère, qui ne la quittait pas, l’entendit prononcer d’étranges, d’incohérentes paroles qui lui firent penser que sa fille était éperdument éprise de Vladimir, et que son amour était la cause de sa maladie. Elle en conféra avec son mari, avec quelques amis, et, à la suite de cette confidence, il fut décidé d’une voix unanime que telle était la destinée de Marie, et qu’on n’échappe point à son sort, et que la richesse ne fait pas le bonheur, et autres belles maximes semblables.

Cependant la malade se rétablit. Vladimir, craignant une fâcheuse réception, n’avait pas reparu chez Gabriel. On s’était décidé à lui annoncer son bonheur inespéré, à lui apprendre qu’il pouvait épouser sa bien~aimée. Quelle fut la surprise des maîtres de Nenaradof, lorsqu’en réponse à leur message ils reçurent une lettre du jeune enseigne, une lettre in-