Page:Marmier - Les Perce-Neige, 1854.djvu/20

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au joyeux élan des deux capitales. Mais dans les provinces et dans les villages, l’enthousiasme national était, s’il se peut, encore plus vif : là l’officier était reçu en triomphe, et l’habit bourgeois était fort éclipsé par l’uniforme.

Nous avons dit que malgré son extrême réserve Marie était entourée de prétendants. Tous se retirèrent à l’arrivée d’un officier de vingt-cinq ans, le colonel de hussards Vourmin, portant à sa boutonnière la croix de Saint-Georges et sur sa figure une intéressante pâleur : il venait passer quelques mois de congé dans une de ses terres voisine de la résidence de Marie. La jeune fille le reçut avec une grâce particulière, et pour lui daigna sortir de son habituelle rêverie ; elle ne lui fit pas de coquetterie, mais un poète aurait pu dire en l’observant : Se amor non e, che dunque ? Vourmin était d’ailleurs un agréable jeune homme ; il avait le genre d’esprit qui plaît aux femmes, un esprit de convenance et d’observation distingué et légèrement ironique. Ses manières près de Marie étaient simples et ouvertes ; cependant il était aisé de voir que sans qu’elle y prit garde il avait l’âme et les yeux fixés sur elle. Son langage était modeste et respectueux. La chronique lui attribuait pourtant plus d'une aventure galante ; mais cette rumeur ne lui nuisait pas près de Marie, qui, comme la plupart des femmes, excusait aisément les écarts d’une nature hardie et les erreurs d’un ardent caractère.