Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T1.djvu/50

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
18
MÉMOIRES DE MARMONTEL

jésuites, que cet abandon des vieillards ! L’homme le plus laborieux, le plus longtemps utile, dès qu’il cessoit de l’être, étoit mis au rebut ; dureté insensée autant qu’elle étoit inhumaine, parmi des êtres vieillissans, et dont chacun seroit rebuté à son tour.

À l’égard de notre collège, son caractère distinctif étoit une police exercée par les écoliers sur eux-mêmes. Les chambrées réunissoient des écoliers de différentes classes, et parmi eux l’autorité de l’âge ou celle du talent, naturellement établie, mettoit l’ordre et la règle dans les études et dans les mœurs. Ainsi l’enfant qui, loin de sa famille, sembloit hors de la classe être abandonné à lui-même, ne laissoit pas d’avoir parmi ses camarades des surveillans et des censeurs. On travailloit ensemble et autour de la même table ; c’étoit un cercle de témoins qui, sous les yeux des uns et des autres, s’imposoient réciproquement le silence et l’attention. L’écolier oisif s’ennuyoit d’une immobilité muette et se lassoit bientôt de son oisiveté ; l’écolier inhabile, mais appliqué, se faisoit plaindre ; on l’aidoit, on l’encourageoit ; si ce n’étoit pas le talent, c’étoit la volonté qu’on estimoit en lui ; mais il n’y avoit ni indulgence ni pitié pour le paresseux incurable ; et, lorsqu’une chambrée entière étoit atteinte de ce vice, elle étoit comme déshonorée : tout le collège la méprisoit, et les pa-