Page:Marot - Les Œuvres, t. 4, éd. Guiffrey, 1929.djvu/406

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Plus tu y vis, plus te charges de crimes :
Mais par deffault d’esprit Celestiel,
En t’aymant trop, tu me hays, et deprimes.

Que dis je aymer ? celluy ne s’ayme en rien,
Lequel vouldroit tousjours vivre en ce Monde,
Pour se frustrer du tant souverain bien,
Que luy promect Verité pure, et munde :
Possedast il Mer, et Terre feconde,
Beaulté, Sçavoir, Santé sans empirer,
Il ne croit pas qu’il soit vie seconde,
Où s’il la croit, il me doibt desirer.

L’Apostre Paul, Sainct Martin charitable,
Et Augustin de Dieu tant escripvant,
Maint aultre Sainct plein d’esprit veritable,
N’ont desiré que moy en leur vivant.
Or est ta chair contre moy estrivant,
Mais pour l’amour de mon Pere celeste
T’enseigneray comme yras ensuyvant
Ceulx, à qui oncq mon Dard ne fut moleste.

Prie à Dieu seul que par grâce te donne
La vive Foy, dont Sainct Paul tant escrit.
Ta vie apres du tout luy abandonne,
Qui en peché journellement aigrist.
Mourir, pour estre avecques Jesuchrist,
Lors aymeras plus que vie mortelle.
Ce beau soubhait fera le tien esprit :
La chair ne peult desirer chose telle.

L’âme est le feu, le corps est le tyson.
L’âme est d’enhault, et le corps inutile
N’est aultre cas que une basse Prison,
En qui languist : l’âme noble, et gentile.
De tel prison j’ay la clef tressubtille :
C’est le mien Dard à l’âme gracieux :
Car il la tire hors de sa Prison vile