Page:Marquis de Lassay, Maurice Lange - Lettres amoureuses et pensées diverses du marquis de Lassay, Sansot 1912.djvu/33

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dant la campagne de Flandre[1], blessé au siège de Namur[2], il n’en conservait pas moins, dit Sainte-Beuve, sa réputation d’hom me léger et de Don Quichotte moderne[3], et la justifiai par des intrigues dont l’une au moins a laissé sa trace dans des lettres que nous avons. Lettres charmantes, d’ailleurs[4] ; Lassay n’en a pas écrit de plus tendres : lettres d’un homme qui approche de la quarantaine et qui, appréhendant le jour où il aura cessé d’être aimable, goûte avec une vivacité aiguisée par l’inquiétude la douceur de se croire aimé encore une fois. Hélas ! en 1691 le roi partit pour assiéger Mons[5], et Lassay dut l’accompagner. Quand il revint, la place était prise (Mons ? oui, mais aussi le cœur de la dame). Le pauvre amoureux délaissé se plaignit, pleura, maudit l’infidèle, puis, en désespoir de cause, fit serment de l’oublier. On devine qu’il n’y eut pas grand’peine.

Il faut parler ici d’un portrait dont l’original, encore que l’auteur l’ait désigné par un pseudonyme, a bien des chances d’être notre Lassay. Dans la cinquième édition des Caractères, qui parut en 1690, on put lire pour la première fois un certain portrait de Nicandre, le veuf qui cherche à se remarier, — et avec Étienne Allaire, à qui revint le mérite de cette identification[6], nous ne doutons point que La Bruyère n’ait peint ici d’après nature.

« Nicandre s’entretient avec Elise de la manière douce et complaisante dont il a vécu avec sa femme, depuis le jour qu’il en fit le choix jusqu’à sa mort ; il a déjà dit qu’il

  1. Dangeau, 5 mai 1692.
  2. Id. 13 juin.
  3. Causeries du Lundi, 3e éd. IX, p. 179.
  4. Voir infra, p. 95 sq.
  5. Voir infra, p. 112 Dangeau ; 14 mars 1691 et jours suivants.
  6. La Bruyère dans la maison de Condé (Paris, 1886), II, p. 246.