Page:Marquis de Lassay, Maurice Lange - Lettres amoureuses et pensées diverses du marquis de Lassay, Sansot 1912.djvu/41

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Marianne, non sans que cette liaison, publique à partir de 1715, inspire à son amie Bouzoles des chansons « bien assénées » [1], celle-ci profite de ce que le service du roi retient son mari dans la province pour remplir auprès de Lassay le père la place d’une Egérie ou d’une Maintenon. L’histoire du XVIIIe siècle est pleine de ces situations bizarres, qui déconcertent la morale bourgeoise : revanches excusables, après tout, des inclinations naturelles sur les institutions sociales quand celles-ci font trop de violence à celles-là et quand à un lien légal, mais que le cœur désavoue, on préfère une liaison fondée sur une convenance intime et une sympathie réciproque. De cette espèce fut précisément la liaison qui, douze années durant (1712-1724), unit Lassay et sa chère Bouzoles, et que la mort seule put rompre. Mais ce ne fut pas Lassay qu’elle prit. Lui, à soixante-douze ans, restait vigoureux, d’esprit alerte, de manières aimables : son plus récent biographe nous le montre, à cet âge, recherchant encore la société des jeunes femmes et se plaisant à jouer auprès d’elles le rôle d’une sorte d’amoureux consultant[2]. Tel il vécut encore quatorze ans, causant, écrivant, se faisant poète (à quatre-vingt-quatre ans passés !) pour témoigner sa reconnaissance à une vieille chanoinesse de Remiremont qui le soignait comme un enfant[3]. Il était dit que jusqu’à sa mort — qui advint en 1738 — il sentirait autour de lui la douce chaleur des affections féminines. Mais quand un homme a eu pour les femmes une dévotion si décidée, on ne doit pas

  1. Saint-Simon, III, p. 36. — De Boislisle renvoie au Chansonnier, ann. 1716-1718 (Bibl. Nat. ms. F. fr. 12.628, p. 303, 315 et 370 ; 12.629, p. 92, 178, 273).
  2. M. de Ségur, art. cit., p. 326.
  3. Id., et Recueil, IV, p. 149.