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Page:Martha - Le Poème de Lucrèce.djvu/25

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admiration littéraire. Si au XVIIIe siècle, dans l’école philosophique, Lucrèce arrive tout à coup à la faveur, si on le cite même avec un empressement indiscret, c’est qu’on croit trouver en lui un allié. On ressuscite ses principes et son système, c’est-à- dire ce qui méritait le plus de périr. Une philoso- phie militante et agressive risque alors sous le nom de Lucrèce bien des hardiesses qu’elle n’ose pas toujours prendre à son propre compte. Mais ces éloges intéressés, où il entrait souvent plus de malice légère que de sérieuse étude, ont plutôt compromis la gloire de Lucrèce; ils lui ont donné je ne sais quel air d’irréligion frivole. Ce n’est vraiment que dans notre siècle que la poésie de Lucrèce a été goûtée avec une sympathie désintéressée et jugée avec une indépendance instructive. M. Villemain, dans une excellente notice aussi vive que courte, a fait le premier dignement les honneurs à ce grand poëte négligé, et depuis, M. Patin, dans une chaire de la Sorbonne, a si bien com- menté le Poème de la Nature qu’il en fait en quelque sorte son domaine réservé et qu’on aurait scrupule d’y toucher, si ses improvisations déli- cates avaient été recueillies dans un livre. Quelque plausibles que soient les raisons de cet oubli volontaire dont nous parlions tout à l’heure et de cette suspicion qui date de l’antiquité même, il n’en est pas moins vrai que Lucrèce est un des