Page:Martin du Gard - Le Cahier gris.djvu/28

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emparer de lui, le pousser dans une petite cellule de récitation, contiguë à notre cabinet, et l’enfermer à double tour. »

— « Ah », dit M. Thibault en levant les poings, « il y a des jours où il est comme possédé ! Demandez à Antoine : est-ce que nous ne lui avons pas vu, pour une simple contrariété, de tels accès de fureur, qu’il fallait bien céder, il devenait bleu, les veines du cou se gonflaient, il aurait étranglé de rage ! »

— « Ça, tous les Thibault sont violents », constata Antoine ; et il paraissait en avoir si peu de regret, que l’abbé crut devoir sourire avec complaisance.

— « Lorsque nous avons été le délivrer, une heure plus tard », reprit-il, « il était assis devant la table, la tête entre les mains. Il nous a jeté un regard terrible ; ses yeux étaient secs. Nous l’avons sommé de nous faire des excuses ; il ne nous a pas répondu. Il nous a suivi docilement dans notre cabinet, les cheveux emmêlés, les yeux à terre, l’air têtu. Nous lui avons fait ramasser les débris du malheureux presse-papier, mais sans obtenir qu’il desserrât les dents. Alors, nous l’avons conduit à la chapelle, et nous avons