Page:Martin du Gard - Le Cahier gris.djvu/40

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— Pour moi », insinua-t-il, « je crois qu’il faut établir un lien entre leur fugue et ce fait : que justement leur amitié… leur liaison… venait d’être découverte par leurs professeurs. »

— « Découverte ? »

— « Mais oui. On venait de trouver leur correspondance, dans un cahier spécial. »

— « Leur correspondance ? »

— « Ils s’écrivaient pendant les classes. Et des lettres d’un ton tout à fait particulier, à ce qu’il paraît. » Il cessa de la regarder : « Au point que les deux coupables avaient été menacés de renvoi. »

— « Coupables ? Je vous avoue que je ne vois pas bien… Coupables de quoi ? De s’écrire ? »

— « Le ton des lettres, à ce qu’il paraît était très… »

— « Le ton des lettres ? » Elle ne comprenait pas. Mais elle avait trop de sensibilité pour ne pas avoir remarqué depuis un instant la gêne croissante d’Antoine ; et soudain, elle secoua la tête :

— « Tout ceci est hors de question, Monsieur », déclara-t-elle d’une voix forcée, un peu frémissante. Il sembla qu’une distance