Page:Martin du Gard - Le Cahier gris.djvu/53

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affable et triste. Mais son regard honnête, qui quêtait celui de M. Thibault, ne rencontra qu’un masque d’aveugle.

Alors elle chercha Antoine des yeux ; et, malgré l’insensible distance qu’avait mis entre eux la fin de leur précédent entretien, ce fut vers cette figure sombre et loyale que son impulsion la porta. Lui-même, depuis qu’elle était entrée, il avait senti qu’une sorte d’alliance existait entre eux. Il s’approcha d’elle :

— « Et notre petite malade, Madame, comment va-t-elle ? »

M. Thibault lui coupa la parole. Sa fébrilité ne se trahissait que par les coups de tête qu’il donnait pour dégager son menton. Il tourna le buste vers Mme de Fontanin et commença sur un ton appliqué :

— « Ai-je besoin de vous dire, Madame, que nul mieux que moi ne peut comprendre votre inquiétude ? Comme je le disais à ces messieurs, on ne peut songer à ces pauvres enfants sans avoir le cœur serré. Pourtant, Madame, je n’hésite pas à le dire : est-ce qu’une action commune serait bien souhaitable ? Certes, il faut agir ; il faut qu’on les retrouve ; mais est-ce qu’il ne vaudrait