Page:Martin du Gard - Le Cahier gris.djvu/57

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l’obliger à prendre le cahier. Mais elle se leva :

— « Je n’en lirai pas une ligne, messieurs. Pénétrer les secrets de cet enfant, en public, à son insu, sans seulement qu’il puisse s’expliquer ! Je ne l’ai pas habitué à être traité ainsi. »

L’abbé Binot restait debout, le bras tendu, un sourire vexé sur ses lèvres minces.

— « Nous n’insistons pas », fit-il enfin, avec une intonation railleuse. Il posa le cahier sur le bureau, ramassa son chapeau, et fut se rasseoir. Antoine eut envie de le prendre par les épaules et de le mettre dehors. Son regard, qui trahissait son antipathie, se croisa, s’accorda une seconde avec celui de l’abbé Vécard.

Cependant Mme de Fontanin avait changé d’attitude : il y avait une expression de défi sur son front levé. Elle s’avança vers M. Thibault, qui n’avait pas quitté son fauteuil :

— « Tout cela est hors de propos. Monsieur. Je suis seulement venu vous demander ce que vous comptez faire. Mon mari n’est pas à Paris en ce moment, je suis seule pour prendre ces décisions… Je voulais surtout vous dire : il me semble qu’il serait regrettable d’avoir recours à la police… »