Page:Martin du Gard - Le Cahier gris.djvu/73

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du quai, cette femme qui s’essuyait les yeux, une petite ouvrière, en noir ; puis elle aperçut enfin, là, tout près, Noémie, et elle se détourna. Mais son regard revenait, malgré elle, au corps de cette belle fille tombée en travers du divan, à cette épaule nue, secouée par les hoquets, et dont la chair gonflait la dentelle. Une image s’imposait, intolérable.

Cependant la voix de Noémie lui parvenait, par éclats :

— « Ah, c’est fini ! fini ! Il peut revenir, il peut se traîner à genoux, je ne le regarderai même pas ! Je le hais, je le méprise ! Je l’ai surpris cent fois à mentir sans aucun motif, par jeu, par pur plaisir, par instinct ! Il ment dès qu’il parle ! C’est un menteur ! »

— « Tu n’es pas juste, Noémie ! »

La jeune femme se releva d’un bond :

— « C’est toi qui le défends ? Toi ? »

Mais Mme de Fontanin s’était reprise ; elle dit seulement, sur un autre ton :

— « Tu n’as pas l’adresse de cette… ? »

Noémie réfléchit une seconde, puis se pencha familièrement :

— « Non. Mais la concierge, des fois… »