Page:Martineau - Dupleix et l’Inde française, tome 1.djvu/151

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jours… Donnez-moi souvent et amplement de vos nouvelles ; rendez-moi justice dans l’occasion et ne manquez pas de lier amitié avec mon frère entre lequel et vous je ne mets point de différence… »

Godeheu lui écrivit de son coté de l’Île de France le 9 février ; par la réponse que fit Dupleix le 5 janvier 1740 on peut supposer que Godeheu lui avait parlé de la Bourdonnais en termes peu favorables. Il était question « d’affronteurs » et de gens qui ne doivent leur protection qu’en retour de certaines complaisances. À qui ces expressions peuvent-elles s’appliquer sinon à la Bourdonnais que Dupleix méprisait depuis longtemps ?

La correspondance continua ainsi pendant quinze ans et sans doute les sentiments s’affaiblirent-ils peu à peu avec les souvenirs. 1754 fut moins une rupture qu’un dénouement.


Godeheu et Saint-Georges n’avaient été que des relations passagères. Vincens et Aumont ayant disparu, il ne restait plus à Dupleix en 1740 qu’un ami véritable et c’était son frère. Mais qu’est-ce qu’un ami lointain à qui l’on ne peut communiquer toutes ses pensées ? Aussi les quelques lettres de Dupleix à Bacquencourt qui nous sont restées sont-elles plus empreintes de confiance que d’expansion ; on sent que beaucoup d’années ont passé sur de mutuels souvenirs. Une sorte de respect distant sépare ces hommes qui ne devaient plus se revoir ; les services que l’un attendait de l’autre sans possibilité de retour accentuaient encore cette réserve et cette retenue. Cependant on peut dire que jamais Dupleix ne s’adressa en vain à l’influence ou à la bonne volonté de son frère et Bacquencourt se montra toujours disposé à le satisfaire selon ses désirs. Combien différait-il de son père, vieillard égoïste et