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contributions. Dupleix estimait que par ces moyens le nabab pouvait retirer dans une année au moins 100 lacks de roupies. Politique bien imprudente, disait-il, car, si les Européens partaient, le nabab n’aurait plus de quoi payer sa redevance au Mogol et le Bengale deviendrait le plus triste endroit du monde. Mais les Européens n’avaient nulle intention de partir, si dure que fut la loi qui leur était imposée ; les vexations des Maures diminuaient leurs bénéfices mais ne les ruinaient pas. Dupleix lui-même acceptait les faits accomplis, mais pour exhaler sa mauvaise humeur, de quelles injures ne couvrait-il pas le nabab ! « C’est un vieil ivrogne obsédé d’une bande de coquins, écrivait-il… il ne considère rien, et lorsqu’il est sou (sic) il est capable de faire mourir son père ; c’est enfin le plus grand misérable qui soit sur la terre[1] ».

À l’automne, les Maures arrêtèrent encore nos vaisseaux venant de Patna avec une cargaison de salpêtre. Il fallut plus de deux mois à Dupleix pour obtenir qu’ils fussent relâchés ; le nabab répondait à nos instances que si nous n’étions pas contents, nous n’avions qu’à quitter le pays ; il « n’avait pas besoin de nous non plus que des autres Européens ». Il était pénible de supporter patiemment ces procédés, mais comment réagir ? Dupleix ne jugeait pas la chose impossible. Il suffirait, pensait-il, d’envoyer au Bengale deux ou trois bateaux bien armés avec 300 soldats ; on arrêterait ainsi le commerce des Maures et on tiendrait le pays. Sans doute on courait le risque d’être une année sans faire le moindre commerce, mais quels avantages pour l’avenir d’une initiative aussi hardie ! Les Maures ne pouvaient manquer d’entrer en accommodement et nous jouirions enfin

  1. B. N. 3979. Lettre à Forestieri du 2 septembre 1732.