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dépenser beaucoup d’argent, pendant que nous recueillions sans frais les bénéfices des embarras de la Compagnie impériale. C’était une compensation. Dupleix se demandait pourtant si les Anglais et les Hollandais « voyant nos affaires prospérer, ne chercheraient pas quelque jour par une entente avec le nabab à nous jouer le même tour qu’aux Ostendais. » On ne devait pas compter outre mesure sur la neutralité désintéressée du nabab ; avec les moyens employés par les Anglais on pouvait tout redouter[1].

Le Conseil supérieur n’était pas en mesure d’apprécier exactement l’importance des événements du Bengale, mais il sentait que sur ce terrain il convenait d’agir avec prudence. Nous n’avions pas plus de 65 soldats d’Europe à Chandernagor ; ce n’est pas avec une pareille force qu’on pouvait tenir l’étranger en respect. Il lui parut que Dupleix ne tenait pas assez compte de cette infériorité. Quant aux Maures, le sujet était plus délicat à cause de leur puissance et il semble que Lenoir ait voulu laisser à la Compagnie elle-même le soin de tracer à Dupleix une ligne de conduite.

Nous ignorons si Dupleix rendit compte de ces incidents à la Compagnie par des lettres particulières et confidentielles, aujourd’hui perdues, dans lesquelles l’attitude des Hollandais et des Anglais aurait été exposée en termes légèrement déplacés. Celles que nous avons sous les yeux sont rigoureusement correctes. Pourtant dans une lettre du 16 mars 1732, le Conseil supérieur reprocha à Dupleix d’avoir écrit à la Compagnie dans des termes constituant autant de « turlipinades » contre les Anglais et les Hollandais ; on lui disait qu’il avait agi avec bien peu de réserve

  1. A. P. t. 102, p. 249.