Page:Marx - Misère de la philosophie.djvu/107

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une heure de travail de Paul. Voilà l’axiome fondamental de M. Bray.

Supposons que Pierre a douze heures de travail devant lui et que Paul n’en a que six : alors Pierre ne pourra faire avec Paul qu’un échange de six contre six. Pierre aura par conséquent six heures de travail de reste. Que fera-t-il de ces six heures de travail ?

Ou il n’en fera rien, c’est-à-dire qu’il aura travaillé six heures pour rien ; ou bien il chômera six autres heures pour se mettre en équilibre ; ou bien encore, et c’est là sa dernière ressource, il donnera à Paul ces six heures, dont il n’a que faire, par-dessus le marché.

Ainsi, au bout du compte, qu’est-ce que Pierre aura gagné sur Paul ? Des heures de travail, non. Il n’aura gagné que des heures de loisir : il sera forcé de faire le fainéant six heures durant. Et pour que ce nouveau droit de fainéantise soit non seulement goûté, mais encore prisé dans la nouvelle société, il faut que celle-ci trouve sa plus haute félicité dans la paresse, et que le travail lui pèse comme une chaîne dont elle devra se débar­rasser coûte que coûte. Et encore, pour revenir à notre exemple, si ces heures de loisir que Pierre a gagnées sur Paul étaient un gain réel ! Mais non. Paul, en commençant par ne travailler que six heures, arrive par un travail régulier et réglé au résultat que Pierre n’obtient qu’en commen­çant par un excès de travail. Chacun voudra être Paul,