Page:Marx et Engels - Le manifeste communiste, II.djvu/184

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bles d’expliquer. Grün ne manquait pas d’une formule exacte de la lutte de classe (§ 2). Hess offrait sur les causes de la concentration des richesses, sur la prolétarisation croissante des masses, sur les crises économiques et sur le cataclysme prolétarien nécessaire des doctrines dont l’exacte coïncidence avec les thèses marxistes a été remarquée avec justesse[1]. Mais ces formules étaient d’emprunt. Elles venaient des socialistes français.

L’inconvénient eût été petit si ces théoriciens eussent remarqué que ces formules résultaient, dans le socialisme français, d’une observation concrète de l’état social, traduisaient une souffrance vraie. L’Allemagne, moins industrialisée alors que la France, était-elle un champ clos pour les mêmes luttes et connaissait-elle les mêmes souffrances ? C’est la question, avant toute autre, litigieuse dans le Manifeste.

De certains passages (§ 77) semblent dire que l’Allemagne a une bourgeoisie révolutionnaire et qu’elle connaît déjà un prolétariat. Mais alors comment ce mouvement prolétarien n’a-t-il pas encore trouvé son expression littéraire ? Le rédacteur du présent chapitre, qui doit être Marx, semble professer, au contraire, qu’il n’y a pas lieu de dénoncer le capitalisme allemand à peine naissant, ni possibilité de conduire à la bataille un prolétariat qui n’existe pas encore. Ces déclamations furieuses lui semblent des copies vaines et théâtrales. L’instinct d’imitation, fléau de la littérature allemande, se retrou-

  1. Koigen, op. cit., p. 173, 179, 181, 183.