Page:Marx et Engels - Le manifeste communiste, II.djvu/186

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

pain est le droit du peuple », nous la traduisons : le pain est le droit divin de l’homme. — Nous ne combattons pas pour les droits humains des peuples, mais pour les droits divins de l’humanité. » Des rêves merveilleux s’édifiaient dans ce langage grandiloquent. Grün voyait venir le temps où la consommation serait la seule règle de la production, où des enfants de quinze ans, en habits de fête, dirigeraient les machines par jeu et suffiraient ainsi à toutes les besognes. Heine prétendait fonder une « république de dieux terrestres qui vivraient de nectar et d’ambroisie dans les parfums voluptueux, parmi les danses de nymphes ». Hermann Kriege, dans la Volkstribüne de New-York, prêchait un royaume de béatitude amoureuse[1], où les femmes seraient à la fois « des prêtresses d’amour » et des émancipatrices sociales.

Marx et Engels, dans une circulaire lancée de Bruxelles le 11 mai 1846, et que signèrent avec eux Gigot, Heilberg, Seiler, Wilhelm Wolf, Westphalen, avaient déjà combattu cette « puérilité pompeuse », démoralisante et compromettante pour le communisme. Ils avaient critiqué Grün dans des articles sévères insérés au Westphælisches Dampfboot de Lüning (août et septembre 1847)[2].

Avant tout, en ce temps, ils critiquaient la mièvrerie énervante de Kriege, cette religion d’amour si débile qu’en « dix-huit siècles elle n’a

  1. V. Neue Zeit, XIVe année, t. II (1895-96), p. 217.
  2. Réédités par Struve, Neue Zeit, XIVe année, t. I (1895-96), p. 51 sq.