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une cause célèbre
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ennuyé et il y a gros à parier qu’il ne dut pas ennuyer les autres. Il laissa aux avocats toute liberté d’action ce qui est encore le meilleur moyen d’expédier un procès, tout paradoxal que cela puisse sembler à certains magistrats impulsifs et besogneux, recordmen du Palais, qui tâchent à juger beaucoup sans trop se préoccuper de juger bien. Il ne pouvait qu’admirer la maîtrise de Mercier, sa phrase soignée, son style imagé, sa voix chaude et sonore, son geste abondant, sa physionomie ouverte, dons qui firent sa fortune oratoire. Ils goûtaient également la façon narquoise de Bourgeois dont les facéties provoquaient le rire des assistants.

Mercier cherchait à idéaliser sa cause, à la faire planer à la hauteur d’un principe impérissable. Les pointes de Bourgeois crevaient l’emphase déclamatoire de son adversaire, ramenant l’aigle au terre à terre de la… basse-cour !

Le juge Johnson était, nous l’avons dit, un fin lettré et il dut, en juge spirituel, rendre justice… à sa réputation. C’est plus que probable et il serait d’autant plus facile de lui attribuer tant et plus de bons mots. Mais nous n’entendons pas faire la balançoire ainsi qu’on dit des acteurs qui, en marge du texte, ajoutent à leur rôle des saillies qu’ils improvisent de chic selon l’humeur du public et le topique de l’actualité. Tenons pour certain qu’il ne dut pas rester court et que sa verve brillante ne manqua pas de se donner libre carrière en si bel entourage. Au surplus, plein d’affabilité et de déférence et pour les avocats et pour les experts distingués, il semblait mettre de la fierté à démontrer que l’austérité de la justice s’accommode très bien de la correction de manières et de la délicatesse d’éducation, poussant la coquetterie jusqu’à questionner, dans un français impeccable, l’abbé Ouellette qui — la politesse française n’est jamais en reste — lui répondait dans un anglais tout aussi classique.

Les plaidoiries terminées, le juge prit l’affaire en délibéré, voulant, sans doute par bienveillance et courtoisie épargner à