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massé… doine
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Déjà, en effet, s’éveillait chez nous le sentiment national, vague, confus, encore mal défini, mais quand même impérieux et de plus en plus pressant. Déjà s’ébauchait la conscience des destinées ethniques auxquelles nous nous sentions instinctivement appelés. Nous surtout, colons du génie français, nous considérant comme un poste avancé des idéals latins, nous étions déterminés à ne pas mourir, ayant déjà en nous l’intuition de quelque vocation sublime sur cette terre d’Amérique : gesta Dei per Francos !

Les luttes et les vicissitudes dont l’Acte de 1792 fut la résultante avaient marqué l’éclosion du nationalisme canadien ; 1837 en fut l’explosion. Tout embryonnaire en 1791, ce nationalisme était devenu, en 1837, assez conscient de soi pour être présomptueux.

Les troubles de 1837 eurent leur répercussion dans les Cantons de l’Est, car on s’abuse étrangement si l’on s’imagine que la rébellion ne fut que le paroxysme d’un ressentiment longtemps contenu et provenant d’incompatibilités de vues, d’antipathies de tempérament et de mentalité, de préjugés de races en un mot. Non, le soulèvement de 1837 fut, même dans le Bas-Canada, affaire politique et l’histoire relève, parmi les chefs du mouvement, des noms qui ne sont pas français : les deux Nelson, Brown, Kimber, Dillon, Perrigo, O’Callaghan, McNaughton, Anderson, Whitlock, Dewitt, Webster, Davis, Dalton, Baker, Scott, Ward, Dwyer, Newcombe, Davidson, etc.

Si les rebelles se recrutèrent surtout chez ceux qu’on appelait alors tout court les Canadiens, c’est que, en somme, les nôtres étaient les premiers à souffrir des exactions des bureaucrates et c’est aussi qu’on avait ameuté contre nous les immigrés assez peu familiers avec les conditions existantes, à une époque où les