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Page:Massé - Mena’sen, 1922.djvu/54

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Avec quelle ferveur on entendit le saint office, avec quel religieux silence on écouta la harangue du missionnaire et avec quelle componction on reçut sa bénédiction !

Après la messe eut lieu la cérémonie de la vénération de la sainte chemise qu’on ne sortait de sa châsse que dans les circonstances exceptionnellement solennelles. Agenouillés, émus jusques aux larmes de foi robuste, ces farouches guerriers demandèrent à la vierge que cette miraculeuse relique fût pour eux un gage de sécurité et un symbole de protection, qu’elle leur servît de haubert ou de cotte de mailles qui les rendît invulnérables au milieu des périls qu’ils allaient affronter, et les ramenât sains et saufs au pays.

L’affluence était nombreuse sur la place de l’église et les adieux et embrassades prirent du temps.

Le « en route » sonore de Jean-Baptiste Hertel de Rouville brisa ces étreintes tandis que Tamacoua lançait quelques brefs kouai ! kouai ! À ce commandement quelque quarante Abénaquis se mirent en tête de la colonne, sous les ordres de 8olaki, tandis qu’un nombre égal fermaient la marche avec Nossagou pour chef. De Rouville, avec ses cent et quelques Canadiens, occupait le mitan. C’était là, du reste, l’habituel ordre de bataille : au centre la milice flanquée, sur ses ailes, d’une ou deux compagnies de sauvages.

Et c’est ainsi que par un glacial matin des premiers jours de février, nos aïeux s’arroutèrent pour aller porter le carnage dans la Nouvelle-Angleterre, il y a quelque deux cents ans.

On suivit, sur presque tout son parcours, le fleuve Alsiganteka, couvert de glace et de neige, ce qui offrait un itinéraire sûr, à cau-