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Page:Massé - Mena’sen, 1922.djvu/60

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VII


Sous la torche dévastatrice Guarfil ardait !

Les Abénaquis étaient de redoutables, de féroces guerriers ; sous ce rapport, leurs mœurs ne le cédaient en rien à celles des Onontagués ou des Agniers. Ils considéraient la guerre comme le plus noble des sports, mais, à la vérité, ils le pratiquaient ignoblement. Leurs dispositions rancunières, vindicatives y trouvaient comme un exutoire où se déverser. Ils aimaient la guerre comme les Français aimaient les galantes dames, le bon vin, les échecs. Ils mettaient, du reste, autant de raffinerie dans la dissimulation ou la fourberie que d’autres nations peuvent en déployer dans la loyauté et l’honneur. C’étaient de superbes scélérats, de magnifiques assassins ! C’étaient, pour ainsi dire, des artistes ès-cruautés, des maîtres ès-tourments inouïs, des inventeurs géniaux de tortures lentes et savamment compliquées !

Aussi, quelle horrible boucherie ç’avait été ! Comme leur haîne des Bastonnais s’était donné libre cours ! Comme leur soif de vengeance s’était assouvie dans des torrents de sang, avec une furie quasi sensuelle, une débauche d’excès et d’atrocités sans nom qui faisaient ces monstres se gaudir des angoisses de leurs victimes et se conjouir avec ivresse à la vue des chairs sanguinolentes que la douleur contorsionnait.

Grâce à la neige qui s’y trouvait amoncelée, on avait escaladé la palissade d’enceinte et pénétré dans la bourgade en tapinois. Après avoir, à la faveur d’une nuit sans étoiles, disposé ses hommes aux endroits propices, de Rouville avait dépêché deux mi-