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MES SOUVENIRS

et magnifiques plaines et de ses riches pâturages se profilant à l’horizon, à perte de vue.

La duchesse de Longueville, la célèbre héroïne de la Fronde, avait habité cet hôtel, pavillon de ses amours. La très séduisante duchesse au parler si doux, aux gestes formant, avec l’expression de son visage et le son de sa voix, une harmonie merveilleuse, à ce point remarquable, écrivit un écrivain janséniste de l’époque, qu’ « elle était la plus parfaite actrice du monde », — cette femme, splendide entre toutes, avait abrité là ses charmes et sa rare beauté. Il faut croire qu’on n’a rien exagéré à son égard pour que Victor Cousin, devenu son « amoureux posthume », (avec le duc de Coligny, Marcillac, duc de la Rochefoucauld et le grand Turenne ; il aurait pu se trouver en moins brillante compagnie), pour que, disons-nous, l’illustre et éclectique philosophe lui ait dédié une oeuvre sans doute admirable, par le style, mais considérée encore comme l’œuvre la plus complète de l’érudition moderne.

Née Bourbon-Condé, fille d’un prince d’Orléans, les fleurs de lys auxquelles elle avait droit se voyaient aux clefs de voûte des fenêtres de notre petit château.

Il y avait un grand salon blanc, aux boiseries du temps délicatement sculptées, et éclairé par trois fenêtres sur la terrasse. C’était un chef-d’œuvre, d’une conservation parfaite, du dix-septième siècle.

Trois fenêtres donnaient également jour à la chambre où je travaillais, et où l’on pouvait admirer une cheminée, véritable merveille d’art de style Louis XIV. J’avais trouvé à Rouen une grande table ; elle datait