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MES SOUVENIRS
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Puis mes hôtes remontèrent dans leur auto et ils disparurent à mes yeux, enveloppés de la poussière tourbillonnante du chemin. Emmenaient-ils vers la grande ville les réalisations prochaines de mes biens chères espérances ? Tout en remontant à ma chambre, je me le demandais.

Fatigué, brisé par les émotions de la journée, je me couchai.

Le soleil brillait encore à l’horizon, dans toute la gloire de ses feux. Il venait empourprer mon lit de ses rayons éclatants. Je m’endormis dans un rêve, le rêve le plus beau qui puisse vous bercer après la tâche remplie.

On le croira sans peine. Je ne ressemblais guère, à ce moment, à « ces poules tellement agitées qu’elles parlent de passer la nuit », selon l’expression d’Alphonse Daudet.

Je place ici un détail concernant Ariane. On verra qu’il ne manque pas d’importance, au contraire.

Ma petite Marie-Magdeleine était venue à Égreville, passer quelques jours auprès de ses grands-parents. Cédant à sa curiosité, je lui racontai la pièce. J’en étais arrivé à l’instant où Ariane est menée aux Enfers, afin d’y retrouver l’âme errante de sa sœur Phèdre, et comme je m’arrêtais, ma petite-fille de s’exclamer aussitôt : « Et maintenant, bon papa, nous allons être aux Enfers ? »

La voix argentine et bien câline de la chère enfant, son interrogation si soudaine, si naturelle, produisirent sur moi un effet étrange, presque magique. J’avais précisément l’intention de demander la sup-