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MASSENET PAR SES ÉLÈVES
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je le sais bien, ce que vous vouliez ! (Et il le décrivait avec une exactitude, une finesse !) Eh bien ! tenez, cherchons ensemble… Ah ! c’est difficile ! mais pourtant... oui, je crois que j’ai trouvé… Parbleu !… Comment ne l’avez-vous pas vu, puisque vous l’avez indiqué d’instinct, vous-même ? Là, voyez !…

Et son petit crayon d’argent s’agitait dans sa main blanche et nerveuse…

Parfois, il était malicieux; mais l’ironie se voilait, chez lui, sous des formes si séduisantes ! À un élève, devenu aujourd’hui relativement célèbre et dont il goûtait peu, je crois, la nature stérile et compliquée, il dit un jour, après avoir examiné quelques pages d’orchestre qu’il lui montrait :

— C’est intéressant, c’est curieux, comme vous faites bien l’orchestre de votre musique.

Et, quelques jours plus tard, comme ce même élève lui soumettait un morceau de chant ou de piano :

— C’est amusant…, c’est intéressant à constater… Enfin… comme vous faites bien la musique de votre orchestre !…

Il faudrait des pages pour dire son érudition, sa mémoire, sa rapidité de compréhension, sa facilité de comparaison et de citation.

Et quel interprète des maîtres ! Je me souviens d’une séance où, emporté par une démonstration, il en vint à nous chanter toute la scène de la prédiction du grand prêtre dans Alceste : « Apollon est sensible à nos gémissements ! »

Je ne pourrai jamais plus l’entendre chanter — que dis-je ! la voir jouer par personne !