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MES SOUVENIRS
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qui fut pour moi le plus précieux des amis que je conservai dans la vie ; à lui va ma pensée émue et chèrement reconnaissante.

De la rue Bergère à la rue de Bourgogne où habitait mon excellent maître, M. Laurent, je ne fis que quelques bonds. Je trouvai mon vieux professeur qui déjeunait avec plusieurs officiers généraux, ses camarades de l’armée.

À peine m’eût-il vu qu’il me tendit deux volumes. C’était la partition d’orchestre des Nozze di Figaro, dramma giocoso in quatro atti. Messo in musica dal Signor W. Mozart.

La reliure des volumes était aux armes de Louis XVIII, avec cette suscription en lettres d’or : Menus plaisirs du Roi. École royale de musique et de déclamation. Concours de 1822. Premier prix de piano décerné à M. Laurent.

Sur la première page, mon vénéré maître avait écrit ces lignes :

« Il y a trente-sept ans que j’ai remporté, comme toi, mon cher enfant, le prix de piano. Je ne crois pas te faire un cadeau plus agréable que de te l’offrir avec ma bien sincère amitié. Continue ta carrière et tu deviendras un grand artiste.

« Voilà ce que pensent de toi les membres du jury qui t’ont aujourd’hui décerné cette belle récompense.

« Ton vieil ami et professeur.
« Laurent. »


N’est-ce pas un geste vraiment beau que de voir ce professeur vénéré rendre un tel témoignage à un jeune homme qui commençait à peine sa carrière ?