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MES SOUVENIRS
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timbales, tam-tam, triangle et autres tout aussi retentissants instruments. C’était une grosse fatigue pour moi que de veiller, tous les samedis, de minuit à six heures du matin ; mais tout cela réuni fit que j’arrivais à gagner, par mois, 80 francs ! J’étais riche comme un financier… et heureux comme un savetier.

Fondé par Alexandre Dumas père, sous la dénomination de Théâtre-Historique, le Théâtre-Lyrique fut créé par Adolphe Adam.

J’habitais, alors, au numéro 5 de la rue Ménilmontant, dans un vaste immeuble, sorte de grande cité. À mon étage, j’avais, pour voisins, séparés par une cloison mitoyenne, des clowns et des clownesses du Cirque Napoléon, voisinage immédiat de notre maison.

De la fenêtre d’une mansarde, le dimanche venu, je pouvais me payer le luxe, gratuitement bien entendu, des bouffées orchestrales qui s’échappaient des Concerts populaires que dirigeait Pasdeloup dans ce cirque. Cela avait lieu lorsque le public, entassé dans la salle surchauffée, réclamait à grands cris : de l’air !… et que, pour lui donner satisfaction, on ouvrait les vasistas des troisièmes.

De mon perchoir, c’est bien le mot, j’applaudissais, avec une joie fébrile, l’ouverture du Tannhæuser, la Symphonie fantastique, enfin la musique de mes dieux : Wagner et Berlioz.

Chaque soir, à six heures — le théâtre commençait très tôt — je me rendais, par la rue des Fossés-du-Temple, près de chez moi, à l’entrée des artistes de Théâtre-Lyrique. À cette époque, le côté gauche du boulevard du Temple n’était qu’une suite ininter-