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MES SOUVENIRS
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— chœur et fugue — je conservai cet ordre dans l’exécution des cantates. La première épreuve eut lieu dans la grande salle de l’École des Beaux-Arts. On y pénétrait par le quai Malaquais.

Le jugement définitif fut rendu, le lendemain, dans la salle des séances habituelles de l’Académie des Beaux-Arts.

J’eus pour interprètes Mme Van den Heuvel-Duprez, Roger et Bonnehée, tous les trois de l’Opéra. De tels artistes devaient me faire triompher. C’est ce qui arriva.

Ayant passé le premier — nous étions six concurrents — et, comme à cette époque on n’avait pas la faveur d’assister à l’audition des autres candidats, j’allai errer à l’aventure dans la rue Mazarine… sur le pont des Arts… et, enfin dans la cour carrée du Louvre. Je m’y assis sur l’un des bancs de fer qui la garnissent.

J’entendis sonner cinq heures. Mon anxiété était grande. « Tout doit être fini, maintenant ! » me disais-je en moi-même… J’avais bien deviné, car, tout à coup, j’aperçus sous la voûte un groupe de trois personnes qui causaient ensemble et dans lesquelles je reconnus Berlioz, Ambroise Thomas et M. Auber.

La fuite était impossible. Ils étaient devant moi, comme me barrant presque la route.

Mon maître bien-aimé, Ambroise Thomas, s’avança et me dit : « Embrassez Berlioz, vous lui devez beaucoup de votre prix ! ». « Le prix ! m’écriai-je avec effarement, et la figure inondée de joie, J’ai le prix !!!… » J’embrassai Berlioz avec une indicible