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À PROPOS DU PEUPLE




Un écrivain de grand talent, M. Jules Vallès, me prenait à partie l’autre jour, et, me faisant l’honneur de me nommer au milieu d’illustres romanciers, il nous reprochait de ne pas écrire pour le peuple, de ne pas nous occuper de ses besoins, de mépriser la politique, etc. En un mot, nous ne nous inquiétons nullement de la question du pain ; et c’est là un crime qui suffirait à nous désigner, comme otages, à la prochaine révolution.

Au fond, M. Vallès, qui a pour les barricades un amour immodéré, n’admet point qu’on aime autre chose. Il s’étonne qu’on puisse loger ailleurs que sur des pavés entassés, qu’on puisse rêver d’autres plaisirs, s’intéresser à d’autres besognes.

Je respecte cet idéal littéraire, tout en réclamant le droit de conserver le mien, qui est différent. Certes la barricade a du bon, comme sujet à écrire. M. Vallès l’a souvent prouvé ; mais je ne crois pas qu’elle soit plus utile à la question des boulangeries populaires que les amours de Paul et de Virginie.

Théophile Gautier, qui avait l’horreur du pain, prétendait que cette colle fade et insipide était une invention occidentale bête et dangereuse, imaginée par les